44-*                         JOURNAL DE HENRI III.
ils ne pourroient rien faire qui valût, tant qu'ils eus­sent découvert les traîtres de leur compagnie.
Sur ces entrefaites, madame de Montpensier leur donna avis que le Roy leur en vouloit fort, et qu'ils y pensassent s'ils vouloient, voire plutôt que plus tard; qu'elle avoit parlé à lui pour le duc de Guise son frere, et supplié très-humblement Sa Majesté lui permettre de venir à Paris pour se justifier des faux bruits et ca­lomnies qu'on lui avoit mis à sus; qu'il y viendroit en pourpoint, tout seul, pour y perdre la vie, au cas qu'il se trouvât en rien coupable de ce qu'on l'accusoit. Mais qu'il n'avoit pas fait grand compte de toutes ces paroles, et avoit bien découvert, parlant à lui, qu'il avoit du dessein contre eux, qu'il falloit prévenir s'il étoit possible. Ce qui donna un grand courage à la Ligue d'exécuter à tous hazards leurs entreprises. De fait, ils envoyèrent incontinent un homme en dili­gence vers le duc de Guyse, avec lettres par lesquelles ils lui mandoient que s'il ne venoit à ce coup les secou­rir à leur besoin, qu'ils ne le tenoient plus pour prince de foi : laquelle lettre fut cause que ledit duc envoya en diligence, sous main, plusieurs capitaines à Paris, que la Ligue logea en divers quartiers de la ville, avec charge de leur dire qu'il venoit après. De quoi je don­nai avis à Sa Majesté, qui me fit réponse qu'elle avoit envoyé Bellievre lui dire qu'il ne vinst à Paris pour émouvoir son peuple.
Le jeudy cinquieme may, huit jours, avant les bar­ricades, se dressa une entreprise contre le Roy de madame de Montpensier, qui donna ce jour à dîner à cinq ou six cuirasses en une maison nommée Bel-Esbat, hors la porte Saint-Antoine, à main gauche, qui de-
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